Nous reproduisons ici le texte prévu pour la prise de parole de la FSU (fédération syndicale de la fonction publique) lors du rassemblement de Vitry en hommage à Samuel Paty.

Le nouveau maire de Vitry, Pierre Bell-Lloch, n’a donné la parole qu’aux représentants des cultes...

[violet]Nous voudrions remercier tous les Vitriot.es présents[/violet] à cette marche. Votre présence pour rendre hommage à notre collègue Samuel Paty est importante pour nous, enseignants.

[violet]Ce qui s’est enclenché ce 16 octobre[/violet], c’est un engrenage tragique. Un père d’élève et un prédicateur auto-proclamé lié à l’extrême droite de Dieudonné et Soral, pour se faire passer pour les meilleurs défenseurs de leur religion, ont livré par leurs mensonges notre collègue à la vindicte des réseaux sociaux. Cette agitation démagogique a malheureusement rencontré les effets de la propagande meurtrière du terrorisme en la personne d’un jeune homme, embrigadé en quelques mois, et résolu à passer à l’acte, à se transformer en meurtrier.

[violet]En tant qu’enseignant.es[/violet], cet assassinat nous interpelle tous au fond de nous-mêmes. Comment un enseignant bienveillant, dont le professionnalisme et l’engagement étaient reconnus de tous, apprécié par ses élèves, a pu perdre la vie pour avoir voulu exercer ses missions d’éducation à la citoyenneté, à l’esprit critique, à la confrontation des points de vue par le débat ?

[violet]Nous voudrions faire passer plusieurs messages[/violet] à la suite de ce drame. En tant qu’organisation syndicale, notre premier message sera adressé à notre ministre. Car malheureusement, l’amorce de cet événement dramatique, les démêlés avec certains parents, les rumeurs sur les réseaux sociaux, les menaces, verbales, physiques ne sont pas aussi rares que nous le souhaiterions. Évidemment, ces événements ne font pas toujours les gros titres car ils n’impliquent pas nécessairement les questions religieuses si chères aux médias et, heureusement, ne finissent pas tous tragiquement.

[violet]L’institution ne nous permet pas[/violet], bien souvent, de pouvoir faire face correctement à ces situations. Parfois par manque de volonté de la hiérarchie, le fameux « pas de vagues ». Parfois par manque de moyens : moyens d’encadrement des élèves dans les collèges et lycées, moyens pédagogiques pour traiter les difficultés, les souffrances des élèves en échec qui sont parfois des points de crispations avec les familles, temps pour traiter les problèmes établir un dialogue (pensons par exemple aux directeurs d’écoles, surchargés par les tâches administratives sans être bien souvent suffisamment déchargés de classe), mais aussi moyens de protection. Il est en effet inadmissible que l’on nous demande de nous exposer personnellement en portant plainte en notre nom lorsque nous sommes mis en cause dans notre travail.

[violet]Et puisque notre ministre célèbre maintenant la liberté d’expression[/violet], nous attendons donc la suspension des mesures disciplinaires injustifiées pour fait de grève qui pèsent sur un certain nombre d’enseignants. Car effectivement, comme nous l’enseignons à nos élèves, la liberté d’expression doit être garantie, même quand parfois son contenu nous déplaît.

[violet]Il faut entendre la sonnette d’alarme[/violet] tirée par les enseignant.es quant aux conditions dans lesquelles ils et elles exercent leur métier.

[violet]La situation se tend[/violet]. Il y a une montée des tensions, des haines et des colères, du chacun pour soi, du chacun chez soi dans notre société minée par 30 années de politiques antisociales et de crises économiques.

[violet]Nous enseignants et enseignantes[/violet], sommes en première ligne pour faire ce constat. Et le message que nous voudrions adresser à nos collègues est que nous ne devons pas lâcher, ne pas céder à la peur, à l’obscurantisme, que celui-ci prenne la forme de l’intolérance religieuse, de discours complotistes, négationnistes, antiscientifiques. Nous résisterons aux pressions, quels que soient les milieux desquels elles viennent.

[rouge]Face à tout cela, nous tiendrons le cap.[/rouge]

[violet]Mais nous ne pourrons le faire seuls.[/violet] Nous ne pourrons avoir cette fermeté, cette intransigeance sur les valeurs de l’école que si certains politiques et intellectuels cessent de produire des discours qui, à des fins électorales, d’exposition médiatique, stigmatisent, condamnent une partie de la population. A ce titre, nous dénonçons les récupérations politiques infâmes en cours actuellement, qui alimenteront les tensions, les méfiances en retour. Non, vous ne flétrirez pas en notre nom toute une partie de nos élèves, de leurs parents qui bien souvent sont à nos côtés pour la défense de l’école publique.

[violet]On dit souvent[/violet] que l’école ne peut pas à elle seule résoudre tous les maux de la société. Cela est sans doute vrai. Mais comme tout un chacun, le fait que des enfants ayant grandi dans notre pays, étant passés par notre école aient sombré dans la folie meurtrière doit nous interroger collectivement.

[violet]On voit bien ici[/violet] que ceux qui voudraient réduire l’école au fait d’apprendre à lire, écrire, compter pour ensuite aller travailler se trompent sur toute la ligne.

[rouge]Ce dont nous avons plus que jamais besoin, c’est d’une école gratuite, laïque, qui accueille tout le monde[/rouge], quelles que soient sa religion, sa couleur de peau ou sa condition sociale, et que cette école soit surtout émancipatrice ; c’est-à-dire qui donne à chacun des outils intellectuels, pour comprendre le monde qui l’entoure, le changer quand il le faut, pour prendre en main son propre destin.

[violet]Pour cette école-là[/violet], il n’est peut-être pas trop tard si nous nous retrouvons ensemble, parents, enseignant.es, citoyen.nes.

Merci à tous.tes

Prise de la parole de la FSU au rassemblement de Vitry-sur-Seine, à la mémoire de Samuel Paty