Madame la directrice académique, mesdames et messieurs les membres de la CAPD,

Nous sommes très inquiet.es. Nous sommes très inquiet.es car nous vivons dans un climat général d’abus de pouvoir.

14 manifestations massives contre la réforme des retraites ont eu lieu depuis le 19 janvier, exprimant pacifiquement l’opposition de la majorité de la population. Pourtant le recul de l’âge de départ à 64 ans sera mis en œuvre, avec un déni de démocratie qui a empêché l’expression des député.es de l’assemblée nationale.

Les autorités ont utilisé la réglementation anti terroriste pour confisquer les « dispositifs sonores portatifs » qu’étaient nos modestes casseroles. Des participant.es à ces actions ont été verbalisé.es au mépris de la liberté d’expression. Des actes de violences policières ont été perpétrés : entre autres, lors de la dernière manifestation du 6 juin, le cortège de notre syndicat a été chargé et l’un de nos co-secrétaires généraux de la FSU-SNUipp a été directement et violemment frappé au visage et jeté à terre par un membre des forces de l’ordre, visiblement certain de son impunité.

Le terme utilisé par Emmanuel Macron, les fameux « 100 jours d’apaisement », prend une tournure sinistre. Au mépris et à la violence contre le mouvement social s’ajoute une longue liste d’affaires, dont des révélations accablantes sur la gestion du fonds Marianne, mis en place après l’assassinat de Samuel Paty.

Nos collègues ont eu jusqu’à 4 jours de grève retirés sur leur paye de mai, certain.es avec en plus des jours de carence. Le recteur de l’académie de Créteil a refusé de limiter à deux jours de prélèvement, comme cela a pourtant eu lieu dans d’autres académies. Nous ne comprenons pas que la demande de l’intersyndicale n’ait pas été prise en compte dans notre académie et vous demandons solennellement de faire remonter la réitération de cette demande, car nos collègues sont en grande difficulté financière.

Nous rappelons que le ministère a donné des consignes pour l’étalement des retraits.

Concernant la revalorisation nécessaire des salaires et carrières des enseignants, la promesse d’une augmentation de "10% sans contrepartie pour toutes et tous les personnels de l’EN" est à comparer avec la réalité du PACTE, véritable casse du statut de fonctionnaire qui n’a rien d’une revalorisation puisqu’il s’agit de nouvelles missions, alors même que la DEPP rappelle que les enseignant·es déclarent travailler plus de 43h par semaine. Et que dire de la casse du lycée professionnel ou du sabordage des missions des AESH et des AED via la mise en place des ARE ? Alors que nous exigeons la reconnaissance de leur métier par la création du statut, c’est cette annonce indigne qui sort du chapeau ; après la grève du 13 juin, la lutte reprendra dès la pré rentrée.

Nous rappelons ici que notre organisation syndicale exige :

l’avancement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, avec une pension à taux plein pour 37,5 annuités ;
l’abrogation du pacte enseignant et une revalorisation pour tout·es de 300 euros en points d’indice ;
la création d’un corps de fonctionnaire pour les AESH avec une rémunération équivalente à temps plein.

La loi de programmation militaire de 413 milliards d’euros sur 7 ans, alors que l’éducation ne bénéficie pas de loi de programmation budgétaire pluriannuelle, démontre où sont les priorités de notre gouvernement. La mise en place du Service national universel dans une volonté d’embrigadement de la jeunesse est à cet égard des plus préoccupantes.

L’école publique, elle, traverse une crise majeure.

Nous sommes donc inquiet.es car nous sommes gouverné.es par la violence, la peur et le mensonge.

Nous sommes aussi inquiet.es car des situations dans le département nous interrogent fortement. Nous partons du principe que chacun·e d’entre nous dans l’éducation nationale fait son travail du mieux qu’il ou elle le peut, avec conscience professionnelle, dans le respect des valeurs du service public.

Mais que devons-nous penser lorsqu’une fonctionnaire stagiaire lit dans son avis pour le jury de titularisation qu’en signant une motion remise à l’IEN contre les évaluations d’écoles, elle “remet en question sa posture professionnelle en tant que future fonctionnaire de l’Etat.” ?
Que devons-nous penser lorsque le préfet, lors d’un CDEN, en début d’année scolaire, tente de refuser la prise de parole des représentant.es des personnels ?
Que devons-nous penser lorsqu’un IEN, au premier trimestre de cette année scolaire, annonce à un enseignant contractuel son licenciement, en dehors de sa période d’essai, sans suivre aucune des procédures prévues par la réglementation ?
Que devons-nous penser lorsque, sous le manteau, des consignes sont données d’empêcher que des collègues enceintes prennent un poste en classe dédoublée ?
Que devons-nous penser lorsqu’une collègue se voit refuser un INEAT dans le 94, chose incompréhensible au vu de la situation déficitaire de notre département, et qu’il s’avère que cette collègue est en situation de handicap et donc bénéficie d’une priorité légale de mutation ? Que devons-nous penser du fait que la même situation s’est présentée deux fois l’année passée ?

Suite aux alertes de la FSU-SNUipp, la plupart des situations évoquées ont déjà été réglées et pour le mieux. Nous vous en remercions très sincèrement. Néanmoins, nous demeurons inquiet·es, car le climat général influence les comportements individuels et fait perdre petit à petit les normes déontologiques que nous imposent les valeurs cardinales du service public. Nos collègues, désabusé.es, font-ils remonter aux représentant.es du personnel toutes les situations problématiques ? Rien n’est moins sûr. Aussi nous vous alertons sur la nécessité de rappeler, à tous les niveaux de la hiérarchie, que des principes d’équité et de non discrimination, doivent présider aux décisions mises en œuvre, et que la liberté syndicale fait partie des droits démocratiques fondamentaux.

Nous sommes également preoccupé.es car nous craignons que la mise en œuvre du pacte enseignant n’ouvre la voie à des comportements indignes du service public. Pour être tout à fait explicite, le dispositif du pacte peut entraîner des phénomènes d’allégeance et de connivences d’abord larvées, puis systémiques. Le principe même des missions supplémentaires est inégalitaire et pénalise majoritairement les femmes, les personnels avec une santé fragile ; nous l’avons dénoncé et nous le dénonçons à nouveau. Mais plus encore, la répartition des missions peut reposer sur des critères opaques. Le pacte apparaît comme un outil redoutable de division des personnels. Nous appelons donc les collègues à la plus grande vigilance, car l’école publique et nos élèves méritent mieux que cela. En effet nous sommes convaincu.es que l’utilité pour les élèves de ces dispositifs est nulle, voire même qu’ils sont sous-tendus par une conception erronée de la difficulté scolaire et vont figer de facto des cursus différenciés au sein de la population scolaire et donc renforcer les inégalités à l’école.

Nos écoles ont besoin de collectifs de travail solides, et le pacte détruit le cadre du travail en équipe, en réduisant à peau de chagrin les possibilités de se former, de se réunir et de travailler ensemble à la réussite des élèves, tous.tes les élèves, et à l’instauration d’un bon climat scolaire.

Avant d’aborder la question des temps partiels, nous attirons votre attention, Madame la directrice académique, sur l’article 17 du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie de fonctionnaires de l’État. Les DASEN doivent organiser une CAPD en cas de rejet d’une demande de congé de formation professionnelle pour un motif tiré des nécessités du service. Il semble que ce ne soit pas le cas dans notre département.

Quant aux temps partiels et aux demandes de disponibilité refusées, les saisines que nous présentons sont cette année en petit nombre. Nous vous demandons de donner satisfaction à tous.tes ces collègues : l’impact de ces décisions sur les classes du département sera mineur. De plus, nous estimons que la gestion des temps partiels et des demandes de disponibilité ne prend que trop peu en compte les réalités socio-professionnelles. Ce n’est pas d’après nous une bonne gestion des personnels car elle entraîne une moindre efficacité du service, directement liée aux arrêts, aux demandes de disponibilité de droit, voire aux démissions que ne manquent pas générer ce genre de situations, sans parler de la souffrance au travail et de la perte de motivation. Nous pensons que le contexte dégradé dans l’éducation nationale pèse davantage sur nos collègues qui ont formulé une saisine.

Nous vous alertons aussi finalement sur le fait que, si des questions médicales ont toute leur place dans une demande de temps partiels, les temps partiels n’ont pas vocation à répondre uniquement à des questions médicales. Il y a pour les collègues des enjeux de respiration professionnelle, ou de conciliation vie familiale et vie personnelle. Des situations se retrouvent malheureusement pathologisées au fil des années car les refus entraînent de fait des dépressions, des surmenages etc. et au final l’intérêt du service n’y est pas. Par ailleurs, nous rappelons que l’axe 4 du plan académique pour l’Egalité professionnelle entre les hommes et les femmes (adopté pour la période 2022/2024) porte sur un meilleur accompagnement des situations de "grossesse, parentalité et articulation des temps de vie professionnelle et personnelle".

Nous souhaitons, Madame la directrice académique, mesdames et messieurs les membres de la CAPD que cette instance contribue à restaurer pour nos collègues un exercice professionnel apaisé, prenant en compte la réalité de leur métier et de leurs vies.

Vos élu.es SNUipp 94 à la CAPD du Val-de-Marne

Ariane Deboise (Ivry) : 06 61 03 72 40

Thierry Guintrand (Champigny) : 06 60 21 22 19

Hélène Houguer (Villeneuve st Georges)

Magalie TRARIEUX - suppléante (Orly) : 07 83 85 68 70

Alia KASSAB - suppléante (Vincennes) : 06 30 84 20 25

Jean-Baptiste BENNOIT - suppléant (Arcueil) : 06 60 75 74 93

Déclaration préalable de la FSU-SNUipp 94 à la CAPD du 13 juin 2023

Déclaration préalable de la FSU-SNUipp 94 à la CAPD du 13 juin 2023